9 déc. 2011

Promise (nouvelle écrite pour l'AT: Vampire malgré lui)

« Il a été meurtrier dès le commencement, et il ne se tient pas dans la vérité, parce qu’il n’y a pas de vérité en lui. Lorsqu’il profère le mensonge,  il parle de son propre fonds, car il est le menteur et le père du mensonge. »
Jean, chapitre 8, verset 44.

            Si j’avais su il y a 200 ans ce que je sais aujourd’hui, j’aurais réfléchi à deux fois avant de faire quoi que ce soit. Vous vous demandez ce qui me prend ? Laissez-moi vous conter mon histoire, mais prenez garde mes amis, car il n’est jamais loin.
Je m’appelle Eléa et j’ai 20 ans… depuis près de 200 ans.
« Prend soin de ton prochain » était mon leitmotiv, je prenais beaucoup de plaisir à m’occuper des autres et cela m’apportait une grande fierté. À l’époque, la religion avait une place importante dans nos vies, et si vous vouliez accéder au paradis, vous aviez plutôt intérêt à entretenir votre âme. J’aimais donc passer du temps dans les hospices et les orphelinats, les personnes âgées ont beaucoup à nous apporter et la souffrance des enfants est intolérable.
Étant la cinquième fille de la famille, mes parents, bien que nobles, n’avaient pas les moyens de me doter et désespéraient de me voir trouver un mari. Ils décidèrent donc que je rentrerai dans les ordres et je n’y voyais pas d’inconvénient : c’était juste un moyen supplémentaire de vouer ma vie aux autres. Mais à deux semaines de prononcer mes vœux, tout bascula.
Mon père me fit rentrer à la maison car un « comte » Écossais venait de lui demander ma main. J’ignorais qui c’était, et je n’avais pas mon mot à dire. Il était apparemment riche et lorsqu’une telle personne s’intéresse à une cinquième fille non-dotée, on accédait à sa demande, peut importe l’avis de la jeune femme en question. Je retournais donc chez mes parents. Je fus habillée pour la circonstance et me mariai avec le Comte par l’intermédiaire de son témoin.
Me marier par procuration m’avait beaucoup choquée. J’étais jeune et ignorante de ce qu’est un couple. Les engagements que l’on prend en se mariant étaient sacrés pour moi. Ce Comte souhaitait m’épouser, mais refusait de venir jusqu’à moi ! Qu’avait-il à cacher ? Était-il donc si laid ? Si vieux ? Avait-il peur de mon refus ? Je respectais trop mon père pour faire quoi que ce soit qui aille à l’encontre de ses choix. J’avais ma pensée propre, mais pas le droit de l’exprimer. Je l’avoue aujourd’hui : j’étais alors, morte de peur. Ce flou, cet inconnu me déstabilisait. J’avais envie de crier, d’appeler à l’aide. Alors la nuit qui précéda les noces, je priais. Jusqu’à l’aube je lançais un appel à Dieu pour qu’il me donne du courage… en vain.
Mes parents m’avaient donc mariée à un parfait inconnu, et deux jours plus tard, je partis pour les Orkney en haute Écosse… Au bout du monde.
Je laissais derrière moi ; mes parents, mes quatre sœurs et ma vie. Le voyage fut très long. Il y eut tout d’abord la traversée de la France qui dura deux semaines, puis celle de la Manche, ensuite vinrent l’Angleterre et l’Écosse. Enfin, après un périple de près de deux mois, j’arrivais enfin sur l’île de Pomona. Je m’endormis dans la calèche qui m’emmenait vers ma nouvelle maison et ne me réveillais que bien plus tard allongée dans un grand lit et habillée d’une camisole longue. Quelques bougies étaient allumées ça et là et répandaient une lumière intimiste, presque monacale.
La chambre dans laquelle je me trouvais était des plus simples ; un lit à baldaquins, une table de chevet et un fauteuil placé sur un magnifique tapis, composaient l’essentiel du mobilier. Comme je me levais, plusieurs portes s’offraient à moi, quatre pour être exacte, sans compter les fenêtres… mais l’une était ouverte sur un immense palier éclairé par un non-moins immense lustre. Celui-ci était fait de cristaux taillés en forme de flammes qui s’alliaient très bien avec celles qui dansaient au bout des cierges. Le tapis qui recouvrait le sol était soyeux sous mes pieds, un peu comme l’herbe après la tombée de la rosée. Il atténuait le son de mes pas. J’entendais un piano. Quelqu’un jouait une mélodie rapide et grave avec une grande dextérité. Me laissant guider par cette musique, je descendis les escaliers jusqu’au hall. Bizarrement sur mon chemin, je ne croisais ni tableau ni portrait.
Le marbre du hall était froid sous mes pieds et reflétait la lumière de la lune qui se frayait un chemin à travers les fenêtres. Une porte était entrouverte et je pouvais voir la lumière des bougies danser de l’autre côté de cette lourde barrière de bois. Je ne voulais pas déranger la personne qui jouait, j’avais juste envie de l’écouter encore et encore. Sa musique était envoûtante, elle me donnait envie de danser.
       Entre Eléa. 
Sa voix me fit sursauter, il n’avait pas arrêté de jouer et ne regardait pas en direction de la porte. Je me souviens de m’être demandée comment il avait su que j’étais derrière la porte. Aujourd’hui je ne me pose plus la question ! Il sait toujours où je suis…
J’oubliais complètement ma tenue inappropriée et mes cheveux en désordre, et entrais dans le salon de musique. La pièce était un enchantement ! Dans les tons dorés, avec des tapis rouges et un piano à queue en bois foncé, il s’y dégageait une chaleur intense. Des centaines de bougies illuminaient la pièce, on aurait dit une voie lactée.
Il était là, majestueux dans son tartan à dominante rouge. Il ne portait pas de chemise, et Dieu m’en est témoin, je ne voulais pas savoir ce qu’il y avait sous sa jupe ! Clayton MacKeir était mon mari, je ne l’avais jamais vu, mais je savais que ce ne pouvait être que lui. Il était magnifique, grand, svelte et musclé, ses cheveux étaient bruns et mi-longs et ses bras étaient puissants, pourtant ses mains volaient avec grâce de touches en touches. Il tourna vers moi son visage, me laissant découvrir ses traits anguleux, ses pommettes saillantes, son nez fin et ses lèvres charnues sur lesquelles se dessinait un sourire en coin. Mais le plus intriguant était ses yeux. Ils étaient noirs, mais à l’époque j’aurais juré y voir un éclat rouge… Je me suis vite rendu compte que ce n’était pas une hallucination de ma part. Je ne pouvais pas détourner mon regard du sien ; tel un aimant, il m’attirait à lui et je n’arrivais pas à résister à cette attraction.
Clayton s’arrêta de jouer et tendit une main vers moi, m’invitant à le rejoindre. Ce fut comme si mon corps avait sa pensée propre. Mes jambes se mirent en marche et j’avançais inexorablement vers lui. Une fois à sa hauteur, mes doigts allèrent trouver les siens et il les porta à ses lèvres.
       Magnifique. 
Il écarta mon bras afin de pouvoir mieux apprécier mon corps. Je suppose que la camisole devait être transparente à la lumière des bougies, car je vis une étincelle dans ses yeux.
Il planta de nouveau son regard dans le mien et m’attira à lui. Alors que nos corps se lovaient l’un contre l’autre, je sentis sa main se poser sur ma nuque. J’étais littéralement hypnotisée par ses yeux, et je ne pouvais ni ne voulais m’en détourner, ni même le repousser.
Il inclina la tête et approcha doucement, à croire qu’il ne voulait pas m’effrayer. Quelle bêtise de croire cela ? J’en ris beaucoup aujourd’hui…
Je sentis ses lèvres effleurer les miennes. S’attendait-il à ce que je réponde à son baiser ? Je n’y connaissais strictement rien ! Je pensais que cela ne m’arriverait jamais ! Sa main raffermit sa prise sur ma nuque et ma taille fut enserrée de son bras. Une chaleur parcourait mon corps, passant par mes lèvres, ma nuque et ma taille. À chaque endroit où il me touchait, ma peau me brûlait.
Son baiser tout d’abord doux, devint plus pressent, plus fougueux et j’y répondais… je me laissais guider et la luxure prenait peu à peu le contrôle de mon corps.
Ce fut à ce moment là que j’eus une vision d’enfer. Le don de ma grand-mère avait choisi ce moment précis pour se manifester.
J’étais dans un lieu sombre, uniquement éclairé par les torrents de lave qui déferlaient de part et d’autre de moi. Pieds nus, debout sur une roche qui me brûlait, je regardais autour de moi. J’étais dans une sorte de grotte dont le plafond était si haut qu’on aurait pu le prendre pour le ciel. En face de moi, Clayton riait d’un rire sournois, grave et profond à vous glacer les os. Son corps se vouta et un bruit de déchirure se fit entendre, d’immenses ailes se déployèrent dans son dos ; telles celles des chauves-souris, leur membrane était fine et je pouvais voir les veines rouges gorgées de sang strier leur surface. Lorsque Clayton me regarda, ses pupilles étaient rouges et son sourire laissait entrevoir des crocs d’un blanc étrangement éclatant dans ce lieu sombre. Je ne pouvais le nier, j’étais subjuguée par la magnificence de cet être.
Mais, que voulait dire cette vision ? Qu’est-ce que ma grand-mère essayait de me faire comprendre ?
Je compris alors à qui mes parents m’avaient mariée…
Je repoussais violemment Clayton. Je pense que seul l’effet de surprise m’a permis de lui échapper. J’essuyais ma bouche, essayant d’effacer la moindre trace de ce contact abominable. Alors je me retournais et courus vers la porte. Elle était fermée, et Clayton déjà devant.
       Où vas-tu Eléa ? 
Sa voix me donnait la nausée. Je pivotais sur moi-même cherchant désespérément une issue, mais toutes les fenêtres avaient disparu. La seule sortie était derrière mon mari.
       Exaudi, Deus, ortionem meam cum déprecor : a timore inimici éripe animam meam. Gloria Patri. Protexisti(*).
       Tes prières ne serviront à rien, il ne peut plus t’entendre à présent. Tu es ma femme, tu es à moi.
       Non ! criai-je. Exsurgat Deus, et disipéntur inimici ejus : et fugiant, qui odérunt eum, a facie ejus. Gloria Patri. Spiritus Domini(**).
       Là tu m’insultes… Je t’ai bien choisie.
       Pourquoi ? Pourquoi moi ? Je suis…
       Une femme vouée à devenir un ange. Mais j’ai des projets bien plus intéressants à te proposer.
       Jamais, vous m’entendez ? Jamais je ne serai à vous !
       Trop tard ! Tu as déjà dis oui, et devant ton cher Dieu. Il a lui-même permis cette union. Il t’a abandonnée !
       Faux ! Je ne vous crois pas. Ce n’est pas possible ! Laissez-moi sortir ! 
Je commençais à paniquer. Je voulais m’évader de cette pièce. Partir loin de ce cauchemar. Dieu ne pouvait pas m’avoir abandonnée. Je lui vouais ma vie. Comment était-ce possible ? Un ange ; Clayton m’avait dit que je devais devenir un ange. Mais…
       Oui Eléa, continue sur cette voie.
       Sortez de ma tête !
Il se mit à rire, un rire aussi démoniaque que son être lui-même.
       Allons Eléa, ne résiste pas. Viens avec moi.
       Non ! 

(*) : O Dieu, exaucez la prière que je vous adresse : délivrez-moi de la crainte de l’ennemie. Gloire au Père. Mon Dieu, vous m’avez…
(**) : Que Dieu se lève ! Et ses ennemis se dispersent, et ses adversaires fuient devant sa face. Gloire au Père. L’esprit du seigneur…
* * *
C'était il y a 200 ans, mes parents m’ont mariée au Diable en personne. Depuis ma vie est un véritable enfer. Parce que je me suis refusée à lui, Satan a fait de moi un vampire. Un ange avec des crocs. Maintenant je n’ai plus beaucoup de choix à ma disposition. Soit j’accepte la proposition de mon époux de régner avec lui ; soit, pour me libérer de la malédiction, j’effectue un acte profondément méchant et je redeviendrai alors humaine, mais je ne pourrai jamais rejoindre les cieux, car mon âme serait souillée… Dernière possibilité pour moi, rester un vampire. Mais Clayton est toujours là et il fait tout ce qu’il peut pour me faire perdre le contrôle.

En tant que vampire, la prière et les lieux consacrés me sont défendus. Le soleil, don de Dieu m’est interdit, sauf au crépuscule car il descend aux enfers. Même si je peux ingurgiter de la nourriture traditionnelle, elle ne m’apporte pas les nutriments nécessaires pour palier à ma dégénérescence cellulaire. Ainsi, pour me nourrir, Satan a fait en sorte que seul le sang possède ce dont j’ai besoin. Bien-sûr, boire à la source est un grave pêcher, alors autant vous dire que ma conscience a du mal à s’y habituer… enfin, avait du mal ! Les dons du sang sont une bénédiction ! Le seul problème qui persiste c’est que le sang frais est la chose la plus succulente qui soit. Et il est difficile de résister à la tentation.
On dit que les yeux sont les reflets de l’âme. Ceux de Clayton reflètent bien la noirceur de la sienne, s’il en a une, ce dont je doute fort. Mais les miens sont translucides. Si les gens les voyaient, ils ne verraient que mes pupilles noires se dilater et rétrécir au gré de la lumière et de mes humeurs. Durant des années, j’ai dû me faire passer pour aveugle, puis je me décolorais les cheveux pour devenir albinos, après tout, mes yeux sont toujours injectés de sang. Et enfin, après tant d’attente, quelqu’un inventa les verres de contact de couleurs. Bien que je doive sans cesse les réhydrater, mes yeux me portent moins préjudice ! Après la transformation, le corps ne change plus, il reste tel quel, sauf en ce qui concerne les yeux donc et les dents. Les crocs sont une donnée du problème et un problème en eux-mêmes. Ils sortent et se rétractent en fonction de mon humeur mais surtout de ma faim. Plus je repousse le moment de me sustenter, plus ils sont visibles et douloureux. Je ne peux que comprendre un bébé qui passe sa nuit à pleurer et hurler de douleur à cause de ses poussées dentaires. Mes crocs sont acérés, ils me coupent la lèvre inférieure qui se marque de plus en plus. Ils sont d’un blanc si éclatant que l’on croirait qu’ils veulent être vus dans la nuit.  
J’ai tout refusé de Clayton. Son nom, son argent et le reste. Pour vivre, j’ai pu suivre des cours du soir pour devenir infirmière ; cela me permet de gagner confortablement ma vie et d’avoir un accès direct à la banque de sang. Je travaille de nuit, aux urgences et j’enchaîne les gardes autant que possible. Je ne souffre pas de la fatigue, dormir 30 minutes peut m’être aussi bénéfique que 8 heures. Mais je ne peux pas travailler tous les jours, cela éveillerai les soupçons et je ne souhaite pas étaler mon secret au grand jour. La routine s’était installée dans ma vie et je commençais à croire que Clayton m’avait oubliée.
Un soir parmi tant d’autres, alors que j’arrivais à l’hôpital peu avant 22h pour commencer ma nuit, je tombais sur deux hommes dans le parking. Visiblement, l’un deux en voulait à l’autre. Je m’approchais furtivement et malgré le peu de lumière, je pouvais parfaitement voir qu’ils se battaient, ou plutôt que l’un battait l’autre et qu’il ne retenait pas ses coups. Je ne pus m’empêcher de réagir. Une impulsion me poussa à aider l’homme à terre. J’intervins au moment où l’assaillant se penchait sur son souffre-douleur. En m’entendant arriver, il se retourna brusquement, tenant toujours sa victime par le col. Un vampire. Il avait les yeux rouges de la chasse, ses traits étaient déformés par la soif et ses crocs avaient atteints leur taille maximale, faisant saigner sa lèvre. Il émit un grognement à mon égard et abandonna son martyr pour venir se planter devant moi. Le vampire au fond de moi commençait à ressentir l’appel de l’action et l’adrénaline se répandit dans mon sang pour me galvaniser.
J’avais appris à me battre très jeune. Étonnamment, mon père m’encourageait à poursuivre mon instruction. Il disait qu’il n’y avait pas de mal à apprendre à se défendre, le tout était de ne jamais porter le premier coup.
En devenant vampire, ma force s’est décuplée, mais avec elle, la soif de se battre s’en était retrouvée grandie. J’arrivais encore à me retenir jusqu’à ce que mon adversaire frappe le premier ; il fallait juste croiser les doigts et prier pour qu’il n’ait pas la force de me mettre KO.
Le vampire se jeta sur moi. Je réussis à lui échapper et à me placer entre lui et sa victime. Je sentis mes crocs s’allonger. Le combat s’engagea de plus belle ; les pieds, les poings pleuvaient de toutes parts. Je réussissais à parer la plupart de ses coups, mais pas tous. Il n’était cependant pas en reste, je réussis à lui infliger un coup à l’estomac qui le plia en deux, et mon uppercut le fit tomber à terre. Malgré la douleur qui irradiait dans ma main droite, je pus m’emparer du pieu qui se trouvait dans mon sac et lui enfoncer en plein cœur. Ses yeux se révulsèrent, un cri strident s’échappa de sa bouche et son corps se consuma de l’intérieur. Bientôt, il ne resta qu’un tas de cendre qui serait dispersé au premier passage de voiture.
Il est triste de penser que je pourrai finir ainsi. « Tu es né poussière et tu retourneras poussière »… Un comble pour un être condamné à errer dans les limbes.
       Vous n’avez rien ? 
Je pris une profonde inspiration et vérifiais que mes canines s’étaient rétractées avant de me tourner vers la victime. C’était un homme d’une trentaine d’années, plutôt séduisant. Mais mes yeux furent attirés par un détail inattendu.
J’ai rencontré beaucoup d’homme de Dieu au cours de ces 200 dernières années. Mais celui-ci…
       Mademoiselle ?
Je ne m’étais pas rendu compte que je le dévisageais. Il était hypnotique.
       C’est plutôt à moi de vous poser la question.
Mon ton tranchant nous surprit l’un comme l’autre.
       Je n’ai rien… Merci.
       Bien… Pouvez-vous rentrer chez vous ?
       Je crois, je ne sais pas. Il faudrait dans un premier temps que j’arrive à me lever.
 Il essaya de se mettre debout, mais dés qu’il commença à se redresser sur ses jambes, il tituba, prêt à tourner de l’œil. Le choque des coups et l’agression avaient du être plus grave que je ne le pensais. Je le rattrapais in extrémis.
       Vous devriez voir un médecin.
       Non, cela devrait aller, j’ai juste besoin de rentrer chez moi. Mais je crains fort de ne pas y arriver seul. Peut-être auriez-vous l’obligeance de m’accompagner. J’abuse de votre aide, mais vous êtes la seule qui puisse m’aider à l’heure actuelle.
       Un taxi ?
       Vous travaillez pour l’hôpital.
       Oui c’est exact mais…
       Alors vous serez la seule à-même de me soigner !
       Il y a de très bons médecins ici, et je dois prendre mon service.
       Je dois vous dire que je vous ai déjà observé, vous êtes infirmière aux urgences, n’est-ce pas ? Je viens souvent pour confesser, et donner l’extrême-onction. Et si je me souviens bien, cela fait au moins 4 soirs de suite que vous travaillez. Ne vous reposez-vous donc jamais ? S’il vous plait, c’est la dernière chose que je vous demanderai de faire pour moi.
       Très bien, j’appellerai en chemin. 
Je ne sais pas ce qui me prit ce soir là. J’aurais pu tout simplement le forcer à aller aux urgences ! Nous faisons des choix par moment, qui peuvent impliquer beaucoup de chose. Je crois que j’avais un petit faible pour ses yeux. Mais… C’était un homme de Dieu bon sang ! Il s’appelait Alexandre. Un prénom synonyme de grandeur… Je lui demandais pourquoi il avait choisit la voie de Dieu, mais sa réponse fut évasive. J’aurai presque rit lorsqu’il me soutint avoir entendu « l’appel »… Je me suis retenue, par respect pour une vocation qui a tendance à disparaître. Mais je n’imaginais pas qu’un homme aussi beau puisse être appelé par Dieu… Après tout, tout le monde avait sa fierté ! Je ne suis pas rancunière, mais si Dieu se souciait vraiment de ses ouailles, il m’aurait certainement sauvée. Un ange ne peut pas devenir un démon ! C’est impossible ! Oui j’en étais arrivée à douter de mon ancienne destinée, j’en étais arrivée à en vouloir à Dieu de me laisser souffrir ainsi. J’avais tout fait pour qu’il soit fier de moi. J’avais même décidé de lui vouer ma vie. À croire que Clayton avait réussit finalement.
Alexandre me fit entrer chez lui. C’était étonnamment moderne pour un appartement de prêtre. Je l’installais sur le canapé, et partis en quête d’analgésiques et d’un linge frais. Je trouvais seulement de la crème à base d’arnica et je pris une serviette que je passais sous l’eau. Lorsque je le rejoignis, Alexandre était endormi. Je vérifiais son pouls, sa température, et je lui plaçais le linge sur le front. Il eu une réaction à mes vérifications, je préférais donc le laisser se reposer. Je pris le temps de visiter les lieux et fus indéniablement attirée par sa bibliothèque ; outre la littérature liturgique, je trouvais des romans de tous genres. J’en choisis un sur les vampires… Oui cela m’étonna aussi, mais comme j’avais besoin de rire… Les livres sur mes congénères sont très instructifs de la bêtise humaine. Croire que nous ne sommes que des êtres beaux, qui ne vous apporteront que du sexe de qualité et l’amour éternel, est une réelle ineptie. Je pense que celui qui me faisait le plus rire était Dracula. Ah celui-là qu’est ce que j’ai pu en entendre parler. De bête immonde, il en est arrivé à devenir le fantasme féminin par excellence. Malheureusement, les vampires ne sont pas si fantasmagoriques que cela et être un vampire est loin d’être drôle tous les jours. Avez-vous déjà tenté de résister à du chocolat lorsque que vous en avez sous le nez et que sa senteur vient vous chatouiller les papilles ? Pensez au met le plus exquis que vous connaissiez, imaginez que vous l’avez devant vous, avec une fourchette prête à être utilisée et dîtes vous que vous n’avez pas le droit d’y toucher. C’est la même chose pour nous en ce qui concerne le sang.
La meilleur façon de résister à une tentation est d’y céder me direz-vous… Mais si cela vous coûtait votre vie et votre âme ?
Malgré moi, je m’assoupis au bout de quelques pages. Je ne sais depuis combien de temps je dormais, mais je fus réveillée par la sensation d’être observée. J’ouvris les yeux et je bondis littéralement de mon fauteuil.
       Que faites-vous ?
       Je vous regardais dormir !
       Pourquoi ?
       Parce que vous sembliez apaisée, je…
       Ne refaites plus jamais cela. Vous m’entendez ? Je ne supporte pas que l’on m’observe ainsi.
       Très bien, veuillez m’excuser, je ne pensais pas à mal.
       Je vois que vous allez mieux, je vais rentrer chez moi.
       Attendez ! Vous m’avez ramenée chez moi, et vous avez pris soin de moi. Laissez-moi au-moins vous remercier comme il se doit !
       Je dois partir, je ne…
       S’il vous plait, juste un repas.
Il me semblait impossible de lui tenir tête. À quoi bon discuter ? Avec un rapide coup d’œil par la fenêtre la plus proche, je me rendis compte que la lune était haute dans le ciel, et donc qu’il n’était pas si tard que ça.
       Très bien. 
Il se mit aux fourneaux, et je m’installais sur le tabouret de bar pour l’observer. Il maniait le couteau de cuisine avec une grande dextérité, découpant légumes et viandes à une vitesse vertigineuse. Je sentais son regard se poser sur moi par intermittences, il me provoquait une chaleur au creux du ventre que je n’aurais su expliquer. Il m’offrit un verre de vin et m’accompagna tout en surveillant notre dîner. Nous n’échangeâmes pas de paroles, juste des regards éloquents. Ses yeux brillaient de malice, ils étaient bleus tel l’océan par une nuit de pleine lune. Je ne pouvais soutenir son regard brûlant, j’en détournais les yeux pour reporter mon attention sur mon verre.
       Alors ? Les vampires ?
       Je vous demande pardon ?
Il fit un signe vers le livre resté ouvert là où il était tombé lorsque je m’étais levée brutalement.
       Oh, ça !
       Vous aimez ces histoires ?
       Disons qu’elles sont distrayantes. Mais cela reste de la littérature populaire.
       J’aime bien le genre vampirique. J’aime la manière dont les écrivains font d’une peur un mythe.
       Vous croyez vraiment qu’ils existent ?
       Je suis un homme de Dieu !
       Ce n’est pas ce que je vous ai demandé.
       Et vous Eléa ? Croyez-vous en quelque chose ?
Sa question me déstabilisa. Je ne savais plus moi-même si je pouvais croire en Dieu. Les seuls mythes réels à mes yeux étaient le Diable et les vampires. Mais pouvais-je le lui avouer ? Avais-je le droit de lui dire que les seules choses dans lesquelles je croyais étaient parfaitement antinomiques à sa personne elle-même ?
       Eléa ?
Il s’était approché de moi alors que j’étais dans mes pensées.
       Je ne crois pas en grand-chose, désolée.
       Pourquoi êtes-vous désolée ? La croyance est propre à chacun. Certains ont plusieurs dieux, d’autres n’en ont qu’un, mais cela ne les empêchent pas de croire.
       Je ne crois pas en Dieu.
       Vraiment ? Alors en quoi croyez-vous ?
        Je ne pense pas que ce soit le bon sujet de conversation entre nous.
       Je suis très ouvert d’esprit et j’aime découvrir la pensée profonde des personnes.
       Je…
       Le diable n’est-ce pas ?
Un frisson me parcourut.
       Comment ?
       Vous croyez en Satan ? Pourquoi ne pas croire en Dieu dans ce cas là ?
       Parce que l’un n’a pas bougé le petit doigt lorsque l’autre a montré le bout de ses crocs. Je crois que je ferais mieux de m’en aller. 
Il me rattrapa par le bras. Il était décidément très rapide pour un prêtre qui venait de se faire agresser. Je commençais à avoir des doutes sur son identité. Il m’attira à lui et plongea ses yeux dans les miens.
       Qui êtes-vous ?
       Alexandre.
       Vous n’êtes pas un prêtre.
       Qu’est ce qui vous fait croire cela ?
       Le fait que vous me reteniez contre vous, et…
       Je meurs d’envie de vous embrasser.
       Non !
       Pourquoi résistez-vous à ce que vous ressentez ?
       Que savez-vous de ce que je ressens ? Vous ne me connaissez pas.
       Vos yeux parlent pour vous. Et vos mains aussi.
Je ne m’étais pas rendu compte que je touchais son torse.
       Lâchez-moi, s’il vous plaît.
       Non. 
Il se pencha vers moi. Ses lèvres entrèrent en contact avec les miennes. Sa bouche était si douce, si tentatrice. Je ne pus réprimer un soupir de plaisir. Mes bras se retrouvèrent autour de son cou et les siens autour de mon corps. Lorsque nos langues entamèrent une danse voluptueuse, je perdis pied. Mais qu’étais-je en train de faire ? Ses mains se firent plus pressentes, il me débarrassa de mon pull et de mon t-shirt, pendant que je réussis à lui ôter sa veste à col blanc. Il était parfait, doux, prévenant, attentionné. Je ne sais comment je me retrouvais dans son lit, mais cela m’importait peu. Il me donna du plaisir et l’extase nous embrasa de concert.
J’avais fait l’amour avec un homme de Dieu. Quel malheur m’avait prit ? Je l’avais détourné même un court instant de sa voie. Je ne pouvais m’empêcher de m’en vouloir. Et si… Non, ce ne pouvait-être un acte foncièrement méchant, après-tout je n’étais pas la seule fautive. Alors pourquoi est-ce que je me sentais bizarre, presque nauséeuse ?
Alexandre avait laissé à mon intention une de ses chemises. Je la revêtis rapidement et retournais dans le living. Il était là, en train de préparer un petit déjeuner. Les rideaux étaient tirés. Ils étaient très occultant. Alexandre avait changé, son visage reflétait la fierté, comme s’il avait réussit quelque chose qu’il entreprenait depuis longtemps. Il avait le même sourire en coin que…
       Non. Non ce n’est pas possible, tu ne…
Et là, ma main se posa sur mon ventre. Comment avais-je pu passer à côté ? Mon ventre s’était arrondit. Et à l’intérieur un être bougeait. Je ressentais son bonheur d’être là. Son amour pour moi, et celui pour son père.
       Tu croyais réellement que tu allais pouvoir me fuir éternellement ?  Allons Eléa, tu m’appartiens, et tu le sais très bien. Nous sommes liés l’un à l’autre, ton sang coule dans mes veines et le mien dans les tiennes. A présent tu portes notre fils.
À mesure qu’il parlait, il reprenait le visage de Clayton, si beau, si démoniaque. Je m’étais unie avec lui et de mon plein gré.
       Non. Non, non, non ! Pourquoi ? Ne peux-tu pas en engrosser une autre ?
       Non Eléa. Tu m’es promise depuis ta naissance. Tes parents ont bien essayé de te cacher dans un couvent et de t’inculquer des valeurs, mais un pacte est un pacte.
       Je ne comprends pas.
       Ta mère allait mourir à la naissance de Marie, ta sœur aînée. Alors ton père, en dernier recours, s’est tourné vers moi. En échange de la vie de ta mère, il te promit à moi.
       Alors je ne…
       Si, tu serais devenue un ange si je n’étais pas intervenu. Ton destin était double. Ce soir tu as fait le choix de me rejoindre.
       J’ai été trompée ! Tu as joué de subterfuge !
       J’arrive toujours à mes fins, tu le sais.
Je m’appelle Eléa et j’ai 20 ans, depuis près de 200 ans. Je suis mariée au diable et j’attends son enfant. Pour le bien être d’un proche, j’ai été sacrifiée, mais cela n’a pas suffit à m’offrir ma place au paradis. Aujourd’hui je règne sur les enfers… Je me suis offerte à Satan, et je suis à présent condamnée pour l’éternité à boire du sang, à sentir ce goût cuivré au fond de ma gorge et à aimer ça. Clayton avait toujours su que je lui reviendrai, c’était écrit m’a-t-il dit.
Je suis un vampire. Un ange avec des crocs.

2 commentaires:

  1. Juste absolument génial ! J'apprécie tout particulièrement l'idée de la possibilité qu'un choix puisse changer une destinée. Relier les vampires au diable est une super idée.

    RépondreSupprimer
  2. Oh ! Merci Iris ! ça fait plaisir de voir un tel message le dimanche matin !

    RépondreSupprimer